Photo : Gabriel Seigner |
Il s’agit certes d’un blog de plus en sciences humaines. Discursivité, commentaire, glose, bavardage – aussi intéressant et intelligent soit-il – babils, le constat de George Steiner est sans appel :
Nous sommes submergés par le commentaire, le parasite. Chaque jour, les personnes cultivées se voient sollicitées par des millions de mots imprimés, radio – ou télé – diffusés, qui traitent d’œuvres musicales qu’elles n’entendront jamais et d’œuvres plastiques qu’elles n’auront jamais devant les yeux. L’air est saturé par le bourdonnement perpétuel que produisent les commentaires esthétiques, les jugements à la minute et les pontifications préemballées.
C’est cependant la visée inverse que recherche notre projet. C’est contre cette superficialité, tant thématique qu’épistémologique – ce champ de terre stérile où crève toute vie – qui caractérise la critique officielle, tant médiatique qu’universitaire, et l’état de la recherche en sciences humaines, que nous voulons proposer, stimuler un sursaut d’intelligence, un sursaut intellectuel dans ce marasme trop confortable de la dépensance.
Outre la superficialité, ce néant de la parole, c’est aussi contre la Déconstruction, néant de l’esprit, force obscure et puissante du nihilisme qui gangrène nos cerveaux et notre culture aujourd’hui, que nous voulons lutter. Notre civilisation, peut-être à son déclin, est moralement malade ; il s’agira d’anatomiser ce mal, le disséquer, le cautériser ; il s’agira surtout de prendre le chemin inverse de cette nef, qui mène à l’autel de l’absurde et du néant, cette nef horizontale et déclinante.
Notre projet hâte donc une restauration – une restauration spirituelle ; une restauration de l’intelligence, de l’Esprit. Notre projet prône le sens – vertical, contre l’horizontalité de la nef comme torrent de néant –, le sens recherché, le sens recouvré.
Il nous faudra dès lors sortir de « l’ère de l’Epilogue », comme le dit toujours Steiner, franchir la nuit, épaisse et totale, qui sépare notre trop long « Samedi saint » du solaire jour de Pâques.
Nous postulons donc l’intelligence et l’espérance. La restauration est aussi en ce sens une Renaissance.
Oh, vous le verrez ! Cela passera par du tâtonnement : tous nos articles, provenant de contributeurs aux horizons différents, et reposant sur un principe participatif (tout le monde peut publier, ici), mais tous animés par le même amour du sens, seront des expérimentations, non sans une certaine évolutivité, non sans, parfois, des oppositions sur le plan philosophique, épistémologique, idéologique. Notre revue sera avant tout une sorte de laboratoire alchimique, d’où jaillira progressivement un peu de Lumière.